mercredi 18 avril 2012

Le rapport d'avril du FMI sur la crise de l'euro

Le bulletin d'avril du Fonds Monétaire International (en) sur les perspectives économiques mondiales parle de l'euro:

extraits
"La croissance repart, les dangers demeurent"

Chapitre 2: Europe, crise, récession et contagion
"Au dernier trimestre 2011, les craintes renouvelées que la crise de la zone euro ne s'aggrave et ne s'étende ont entrainé une période d'incertitude et d'élargissement des primes de risques, contribuant à un ralentissement plus brutal qu'attendu dans la zone euro, avec des retombées sur le reste de l'Europe et au-delà."

"La Banque centrale européenne (BCE) a soulagé les tensions de financement du secteur bancaire avec ses opérations de refinancement à long terme. Ces mesures, combinées avec le renforcement par étape du pacte fiscal, des réformes structurelles et la consolidation budgétaire, ont réussi à stabiliser le sentiment des marchés et à atténuer l'incertitude. La récente décision de renforcer le pare-feu de l'Union européenne renforce ces efforts politiques. Le scénario de référence prévoit un retour progressif à la croissance courant 2012-2013."

"La possibilité que la crise s'aggrave à nouveau demeure un risque négatif majeur pour la croissance économique et la stabilité du secteur financier jusqu'à ce que les problèmes sous-jacents à la crise soient résolus."

Plus loin est présenté un scénario d'aggravation de la crise de l'euro impactant l'économie mondiale:
Les marchés financiers pourraient évoluer de façon beaucoup plus couplée comme en 2008-2009, avec élévation des taux et des primes de risques. Le pic d'incertitude et l'aversion au risque pourraient affecter les demandes intérieures. Les échanges internationaux pourraient décliner, affectant les économies exportatrices. Les exportations de pétrole et de matières premières pourraient diminuer.

Les défis politiques:
"La priorité-clef en Europe est de prévenir l'aggravation des dettes d'états et de la crise de croissance dans la zone euro tout en travaillant à résoudre les causes fondamentales."

"La plupart des économies de la région demandent une politique mixte qui soutienne le retour à la croissance tout en adressant les défis de soutenabilité de la fiscalité et les vulnérabilités du secteur financier."

"La BCE devrait abaisser sa politique de taux et continuer à user de moyens non-conventionnels pour gérer le financement des banques et les problèmes de liquidité."

Plus loin, le rapport approuve la mise en place du nouveau Mécanisme Européen de Stabilité. Elle recommande de recapitaliser les banques, et de créer une structure pan-européenne capable de faire cela.

Enfin, le rapport suggère que les failles inhérentes du système de l'Union soient adressées par des mécanismes forts imposant des politiques fiscales responsables. Le partage du risque fiscal entre les pays de la zone devra être implémenté au moyen par exemple d'un MES étendu. L'intégration des secteurs financiers de la zone est prioritaire avec une supervision transfrontalière, des mécanismes de résolution et l'assurance des dépôts avec un filet de sécurité commun. (actuellement le Fonds Européen de Stabilité Financière ne couvre pas directement les banques, mais seulement les états)



dimanche 15 avril 2012

Nouvelles tensions sur les taux de l'Espagne et l'Italie

Les taux à 10 ans sont montés à 5,98% pour l'Espagne la semaine dernière, en rapport avec le calendrier des émissions d'emprunts par l'état.

Les tensions ont affecté aussi par contagion les taux portugais et italiens, le taux italien à 10 ans est monté à 5,52%.

La BCE n'a pas réactivé son programme d'achat d'emprunts des états de la zone.

En Espagne, les programmes de réduction du déficit budgétaire sont particulièrement sévères alors que le taux de chômage est très élevé à 23% de la population active, qui affecte particulièrement les jeunes.
L'Espagne a engagé des réformes du marché du travail et du système bancaire. Des économies sont demandées aux régions sur l'éducation et la santé. Ce pays s'efforce aussi de réduire l'économie souterraine (travail au noir), de limiter l'évasion fiscale, et d'engager des privatisations.

lire
Le New York Times (en)
Bloomberg (en)
The economist (en)

mercredi 4 avril 2012

Conférence de presse de Mario Draghi sur la décision de la BCE

Monsieur Draghi s'exprime sur le site de la BCE en anglais ici

Extraits:

"Sur la base de nos analyses régulières économiques et monétaires, nous avons décidé de maintenir les taux directeurs de la BCE inchangés."

"Les taux d'inflation sont susceptibles de rester au-dessus de 2% en 2012, avec des risques à la hausse qui prévalent."

"Les perspectives économiques restent affectés par des risques à la baisse."

"Il est également important de garder à l'esprit que tous nos mesures non conventionnelles de politique monétaire sont de nature temporaire et que tous les outils nécessaires sont disponibles pour répondre à la hausse des risques pour la stabilité des prix à moyen terme de façon ferme et en temps opportun."


"Afin de soutenir la confiance, la croissance durable et l'emploi, le Conseil des gouverneurs appelle les gouvernements à assainir les finances publiques et à mettre en œuvre de solides réformes structurelles. Les engagements pris en vertu de Pacte de stabilité et de croissance doivent être pleinement honorés et les faiblesses de la compétitivité adressées avec force. Les décideurs nationaux doivent assumer pleinement leurs responsabilités pour assurer la viabilité budgétaire, augmenter la capacité d'ajustement des marchés des produits et du travail, pour améliorer la productivité et la compétitivité, et veiller à la solidité de leur système financier. En particulier, les pays qui ont subi des pertes en compétitivité vis à vis des coûts doivent assurer un ajustement des salaires suffisant et stimuler la croissance de leur productivité."



Mon souhait est que nos candidats à la présidence lisent et comprennent ce dernier paragraphe: en France aussi, il faut baisser les salaires, rééquilibrer le budget, et engager des réformes.



lundi 2 avril 2012

A.R.J.Turgot, Adam Smith et Walter Bagehot discutent de l'euro

Dans un univers parallèle, votre apprenti économiste a invité les grands penseurs de l'économie à discuter de la crise de l'euro.

AE: Monsieur Turgot, monsieur le baron, merci d'être venu.

A.R.J. Turgot: Je suis heureux de participer.

AE: Monsieur Turgot, le 24 août 1774, vous fûtes nommé contrôleur général sous Louis XVI, alors que le pays était au bord de la faillite. Comment avez-vous rétabli la situation?

A.R.J. Turgot: Ma formule était: "Pas de faillite, pas d'augmentation d'impôts, pas d'endettement nouveau". J'ai fait économiser l'état, supprimer les sinécures. Je suis intervenu pour limiter les générosités du roi envers ses clients. J'ai fait réformer le système des retraites, les croupes, ainsi que le monopole d'état sur la poudre à canon et les diligences. En administrant mieux, en maîtrisant le budget de l'état, nous sommes parvenus à réduire le déficit public et à restaurer la confiance des banquiers en seulement deux ans. Nous avons même supprimé quelques impôts et octrois. Mais je me suis fait beaucoup d'ennemis...

AE: Que pensez-vous de ceux de nos candidats qui proposent aujourd'hui d'augmenter la fiscalité?

A.R.J. Turgot: C'est une erreur. Cela représente une régression. Voudriez-vous réintroduire la corvée pour employer les jeunes chômeurs ? Ou encore rétablir les guildes et leurs privilèges ?

AE: Monsieur Adam Smith voudrait intervenir.

Adam Smith: Bonjour à tous. Quel plaisir de revoir Anne-Robert. François n'est pas là ?

François Quesnay:  Bonjour Adam. Heureux de te revoir en pleine forme.

AE: Monsieur Smith, dites-nous, est-ce que la globalisation est la source de la crise actuelle ?

A. Smith: Oui et non. La globalisation est bénéfique, elle accroît la richesse des nations. A terme, l'ensemble du monde sera si prospère que la question ne se posera même plus. Mais c'est aussi une question de démographie: l'énorme potentiel de travailleurs à employer fait les salaires trop bas. Le rééquilibrage prendra encore du temps, parce que les nouveaux acteurs devront évoluer.

AE: Monsieur Smith, faut-il restreindre les importations pour acheter français ?

A.Smith: Ce serait appauvrir ce pays. Soyons égoistes, achetons au meilleur prix: c'est le meilleur moyen de laisser la main invisible des marchés agir peu à peu au service de la prospérité commune.

AE: Walter Bagehot a bien voulu se déplacer pour nous dire un mot.

W. Bagehot: Ah, beau temps! Bonjour les amis. Je vois que ce blog cite mon excellent journal: The Economist. Que n'aurais-je fait si internet avait existé plus tôt!

AE: Monsieur Bagehot, que pensez-vous de la crise de l'euro ?

W. Bagehot: La faillite de la banque Overend, Gurney & Company en 1866 m'a enseigné la contagion: 200 faillites ont suivi la première. Pour éviter ce genre de panique, il faut qu'existe un prêteur de dernier recours. C'est le rôle d'une banque centrale.

AE: Les actions de la BCE et le nouveau pare-feu qu'est le MSE vont donc dans la bonne direction ?

W. Bagehot: Oui et non. Idéalement, les prêts ne doivent pas être bradés. Ils doivent être garantis. Il ne devrait pas exister de limite à leur étendue.

AE:  Merci messieurs de vos interventions.

MES, Mécanisme Européen de Stabilité: 800 milliards d'euros

Le MES, Mécanisme Européen de Stabilité disposera de plus de 800 milliards d'euros pour assumer le rôle de prêteur de dernier recours auprès des états européens en difficulté de refinancement. Ce pare-feu est destiné à éviter la contagion des tensions sur les taux d'intérêt des emprunts d'état des pays de la zone. Il devrait ainsi réduire la nécessité des interventions de la BCE destinées à soulager ces tensions.

L'ampleur de ce fonds chiffre la volonté européenne de faire face aux difficultés de la monnaie unique. Ce sera un argument pour demander davantage d'implication du FMI pour prévenir l'impact de la crise de l'euro sur l'économie mondiale.

Pour finir sur une note optimiste, lisez cet article (en) qui explique comment la mise en place du dollar américain s'est faite dans les difficultés, après sa création en 1790, avec faillites successives des états, plans de sauvetage multiples, puis cessation des refinancements, et mise en place d'une discipline budgétaire stricte en 1840.